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Disparition de Jean-Pierre Elkabbach, légende du journalisme

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Photo: Shutterstock

Le journaliste politique Jean-Pierre Elkabbach est décédé à l’âge de 86 ans, ont annoncé mardi le groupe Canal+ et Europe 1, dont il fut l’une des grandes figures durant de longues années.

Son style pugnace, au risque d’irriter, qui pouvait aussi se faire bienveillant avec certains, a marqué des générations : Jean-Pierre Elkabbach était un vétéran du journalisme politique. Ce professionnel infatigable, qui a aussi été patron de radio et de télévision, a parfois été brocardé pour ses amitiés politiques supposées – de Valéry Giscard d’Estaing à Nicolas Sarkozy puis François Hollande.

« Une page se tourne »

« Jean-Pierre Elkabbach a marqué de son empreinte toute une génération. J’en fais partie, pour avoir tant espéré, alors jeune élu, d’être son invité au micro d’Europe 1 jusqu’à ce qu’il me donne ma chance », a d’ailleurs réagi Nicolas Sarkozy sur les réseaux sociaux, faisant part de sa « tristesse ». Pour son successeur François Hollande, « une page de notre histoire politique et médiatique se tourne avec » sa disparition.

Du côté du gouvernement, le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, a salué « un monstre sacré du journalisme français ». Ce décès est intervenu « à la veille du 65e anniversaire de notre cinquième République, lui qui était toujours là, à chacune de ses grandes dates, dans nos écrans ou sur nos ondes, pour en raconter les riches heures et en interroger les acteurs », a rappelé le chef de l’Etat.

Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a également rendu hommage « à un observateur hors pair de notre vie politique nationale ». « Ma première interview fut avec Jean-Pierre Elkabbach ! Autant une épreuve qu’une consécration », a écrit Rachida Dati, maire LR du VIIe arrondissement et ancienne garde des Sceaux.

« Compagnon de route de la Ve République »

« Il avait interrogé tous les chefs d’Etat depuis Valéry Giscard d’Estaing et fait vivre notre débat démocratique », a souligné le président du RN, Jordan Bardella. Le leader communiste, Fabien Roussel, a pour sa part salué un « compagnon de route de la Ve République » dont les « échanges mythiques avec Georges Marchais resteront gravés ».

Sans surprise, les témoignages de respect se sont également multipliés de la part des journalistes, dont il a marqué plusieurs générations. « Il a été le premier à me donner ma chance », a ainsi souligné Léa Salamé. « On est nombreux à avoir pris ses attaques d’interview en référence », a déclaré Laurence Ferrari sur CNews. « C’était le meilleur intervieweur qu’on ait eu », a commenté sur BFMTV Alain Duhamel, louant son « incroyable acharnement » et sa « méticulosité ».

La page CNews

Jean-Pierre Elkabbach a interviewé tous les grands de ce monde : Arafat, Gorbatchev, Mandela, Castro, Bill Clinton, George Bush, Vladimir Poutine… L’un de ses invités les plus inoubliables fut sans doute le secrétaire général du PCF Georges Marchais qui le rabroua lors d’une interview sur Antenne 2 en 1980. La célèbre formule, « Taisez-vous Elkabbach ! », n’a en fait jamais été prononcée par Marchais, mais imaginée par des humoristes caricaturant le débat.

Sa longévité à l’antenne avait fini par lasser une partie du public et avait conduit à son éviction en 2017 d’Europe 1. Cinq ans plus tard, il y avait cependant fait son grand retour pour mener les entretiens matinaux du week-end, sur fond de rapprochement houleux entre la radio et CNews, la chaîne d’info contrôlée par Vincent Bolloré.

Proche de Vincent Bolloré, dont il avait été nommé conseiller en 2017, Jean-Pierre Elkabbach était aussi monté au créneau pour défendre CNews, attaquée notamment pour avoir offert une tribune au polémiste et candidat d’extrême droite à la présidentielle, Eric Zemmour. Elle « donne la parole à tous », avait-il dit.

Traversée du désert

Né le 29 septembre 1937, Jean-Pierre Elkabbach a étudié à Sciences Po, il commence sa carrière comme correspondant de la RTF à Oran, sa ville natale, avant d’être nommé à Paris en 1961. En mai 1968, il est mis au placard de ce qui faisait encore partie de l’ORTF et allait devenir France Inter, pour avoir fustigé les « censeurs », avant de passer à la télévision en 1970. Il y présente le journal de la Une puis de la Deux.

En 1974, à l’occasion de l’éclatement de l’ORTF, il est à nouveau écarté du petit écran. Il revient alors sur France Inter où son émission, « 13-14 », est un succès. En janvier 1977, sa nomination à la tête de l’information d’Antenne 2 s’accompagne de plusieurs départs au sein de la rédaction. A la suite de la victoire de François Mitterrand en 1981, il est évincé de la chaîne publique en raison de ses attaches giscardiennes. « C’était une période où même ceux que j’avais aidés ou promus changeaient de trottoir quand ils me voyaient. J’étais atteint de mort sociale, je n’existais plus. J’ai connu l’ANPE », racontait-il en 2015.

PDG de France 2 et France 3

L’année 1982 marque son arrivée sur Europe 1, où il devient directeur d’antenne puis l’année suivante directeur général adjoint. En 1991, il revient à la télé, dans l’éphémère chaîne La Cinq puis à France 3, où il anime l’émission « Repères ». En 1993, il devient PDG de France 2 et France 3, où il favorise l’ascension de nouveaux animateurs comme Jean-Luc Delarue, Arthur ou Nagui.

Mais après la révélation des contrats de centaines de millions de francs attribués aux animateurs-producteurs stars de France 2, il est acculé à la démission en 1996. Il préside la chaîne Public Sénat depuis sa création en 2000 jusqu’en 2009, où il lance l’émission « Bibliothèque Médicis ».

L’époque Europe 1

Lorsqu’il prend les rênes d’Europe 1 en avril 2005, la station est en petite forme, en cinquième position, derrière RTL, NRJ, France Inter et France Info. Pendant la campagne présidentielle de 2007, il est régulièrement brocardé par les Guignols de Canal+ pour sa proximité supposée avec Nicolas Sarkozy.

Fin 2022, il avait publié « Les rives de la mémoire » où il revenait sur son enfance, son parcours et ses nombreuses rencontres. « Ce livre n’est pas mon testament, mais je veux laisser une trace », disait-il alors. Marié avec l’autrice Nicole Avril, il est père d’une fille, l’actrice Emmanuelle Bach (« Un village français »).

Source AFP

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