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Jane Birkin : elle est venue nous dire qu’elle s’en allait…
Avec son mélange de séduction et d’intelligence, sa facilité à étaler ses sentiments sous des dehors pudiques, l’artiste, qui occupait une place à part dans la cartographie des stars françaises, est morte à Paris, dimanche.
Tennis délacées, tee-shirt blanc et jean bleu, Jane Birkin vivait dans un naturel chic, par elle inventée. Anglaise, enracinée en France par la grâce d’un auteur-compositeur d’origine russe, Serge Gainsbourg, elle s’étonnait d’avoir été ainsi fascinée par « les Français, que je trouvais si beaux et par l’univers de Serge, sa religion juive, tellement attractive », au détriment de son pays d’origine. Première conséquence : à tout jamais, on devra à Jane Birkin l’invention d’un « créole » particulier, ce que son ami écrivain Olivier Rolin appelait un français « qui sort de ses gonds ».
Un jour, en 2008, et parce qu’elle était artiste musicienne, elle avait même décidé d’exorciser ses démons linguistiques en écrivant de A à Z Enfants d’hiver (ou divers) – exercice renouvelé douze ans plus tard, en 2020, avec l’album Oh ! Pardon tu dormais, réalisé avec son ami Etienne Daho. « Là, il fallait que je sois précise, que je ne me trompe pas en français, mais je voulais rester moi. J’ai mis du temps à comprendre “l’on s’éreinte”. Je pensais que cela signifiait jeter ses bras autour du cou. Alors, par exemple, je dis : “A la grâce de toi.” Gainsbourg avait bien écrit “l’amour de moi” », disait-elle alors, en riant. Et quand elle souriait, ses yeux se plissaient, c’était Birkin.
Jane Birkin est morte, dimanche 16 juillet, à Paris, selon les informations du Monde. Née le 14 décembre 1946, à Londres, Jane Birkin est la fille de David Birkin, commandant dans la Royal Navy, et de l’actrice Judy Campbell, qui fut la muse de Noël Coward, le célèbre dramaturge britannique. Pierre, ciment, cailloux, ciseaux, feuilles, choux, genoux : les mots chez Birkin changeaient parfois de genre, d’orthographe ou de destination, mais elle n’était jamais bâillonnée. Après avoir soutenu ses causes et ses héroïnes, volant au secours des offensées, d’Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la paix en 1991, avant qu’elle ne tombe en disgrâce pour cause de collaboration avec la junte birmane, à Christiane Taubira, ancienne garde des sceaux de 2012 à 2016, que des opposants au mariage pour tous voulaient renvoyer « manger des bananes » en Afrique.
Icône pop
Tout chez Birkin était militant. Le look d’abord, de la robe archi-transparente portée le soir de la première du film Slogan, en 1969, au tailleur pantalon Saint Laurent des concerts « Gainsbourg symphonique », en 2017. A la ville, au fil du temps, Birkin avait ajouté aux débardeurs échancrés des sweats confortables, des vestes en treillis qui tombaient pile-poil, le chignon et les lunettes demi-lune. Mais elle ne vieillissait pas, elle apprenait la vie en permanence, créature de la nuit et les nerfs à vif. En 2008, Jane était déjà grand-mère et portait des pulls tricotés, quand la marque de chaussure Converse en fait une de ses égéries (aux côtés d’Asia Argento en Italie, Nina Hagen en Allemagne, ou feu Ian Curtis en Angleterre…). Des gens, précisait Converse, « choisis pour leur vision optimiste de la rébellion ». En 2021, à 75 ans, la voici au lit avec Etienne Daho pour un clip élégant sur les déboires conjugaux, illustrant la chanson Oh ! Pardon tu dormais, où elle se remémore les déchirures du couple qu’elle a formé avec le compositeur anglais John Barry, elle 17 ans, lui treize ans de plus.
Le chanteur et compositeur du groupe Mickey 3D, Mickaël Furnon, avait écrit en 2004 une chanson, Je m’appelle Jane, sous la forme d’un dialogue avec cette agaçante icône pop qui a réponse à tout. Il y posait les questions qui fondaient la relation quasi hypnotique de Birkin avec ses amis artistes et son public, qui s’achevait sur un définitif : « Je m’appelle Jane et je t’emmerde. »
« – Dis, Birkin, pourquoi t’as pas grossi en vieillissant ? T’es toujours aussi belle qu’avant
– C’est que je suis maligne »
Maligne sûrement, fine toujours, son cache-col noué avec élégance. Elle était aérienne et, pourtant, tout en profondeur. « Jane marchant sur la plage, chemise de lin au vent, un crayon piqué dans les cheveux, la simplicité, le dépouillement. Jane chez elle à Paris, sous les sombres tissus imprimés, les tentures, les fanfreluches, les guirlandes, les lustres, les bestioles empaillées, les photos, les bibelots de la mémoire : une Anglaise excentrique », écrit Olivier Rolin, rencontré à Sarajevo en 1995 et qui fut son compagnon, dans une lumineuse préface au livre de photographies publié par Jane Birkin et Gabrielle Crawford, son amie d’enfance, sa « sœur », chez Flammarion (2004).
La vie de Jane, hors « Serge », est une aventure sans rupture – disques, films, théâtre, coups de foudre et coups durs. Sur l’album Enfants d’hiver, la photo de couverture, prise « peut-être par [sa] grand-mère », montre Jane à 12 ans, enfant filiforme, garçonne en ballerines, le regard droit, plantée sur une plage de l’île de Wight – elle y était pensionnaire et, comme elle le raconte dans Jane B. par Agnès V. (1988), on l’appelait par son numéro de chambre : « Ninety-Nine » (99).
Dans le livret, elle avait placé des portraits de famille – sa mère, son frère Andrew, sa sœur cadette Linda. « Andrew est magnifique, il a la tête du metteur en scène qu’il sera, moi de l’actrice, et Linda, qui déjà ne veut s’impliquer dans rien de tout cela ! » En 2004, sa mère glissait lentement vers la mort dans un hôpital britannique, qui, libéralisme oblige, utilisait des cash nurses, des infirmières indépendantes payées à l’heure. Et Birkin s’indignait. Son père s’est éteint quelques jours après Serge Gainsbourg, en 1991.
Dans l’appartement qu’elle occupait, près de la rue de Verneuil, où vivait Serge Gainsbourg, puis dans sa maison proche du Jardin des plantes, elle avait épinglé des pêle-mêle, conservé des œuvres photographiques, un tirage noir et blanc magnifiquement flou de son frère Andrew, dont le fils, Anno Birkin, s’est tué en 2001, à l’âge de 20 ans, dans un accident de voiture. Chez elle, il y avait des tentures rouges, des tissus moirés, des canapés, une profusion de plantes vertes et de loupiotes en terrasse, des objets, des dessins, un capharnaüm cultivé, chic, sincère. Des casseroles en cuivre, de larges fourneaux, parce que Birkin aimait la famille, ses trois filles – Kate (Barry), Charlotte (Gainsbourg), Lou (Doillon). C’était Birkin.
Femmes à suivre
Linda, la sœur, sculptrice, est si discrète qu’elle refusait de montrer ses œuvres. « Elle les garde pour elle, par exemple ce pique-nique en béton, tout est en béton, les bouteilles de Coca, les verres, tout en béton, c’est formidable ! Tous les détails ! », s’étonnait Jane Birkin, en 2013, alors qu’elle présentait avec Gabrielle Crawford, le recueil de photographies que cette dernière lui avait consacré. Le livre était dédié à Kate Barry, fille de Jane et de John Barry. Kate, photographe, s’était défenestrée le 11 décembre 2013, « le jour même où ce livre partait à l’impression », était-il expliqué sur la page de garde.
Jane Birkin et Gabrielle Lewis (nom de jeune fille de Gabrielle Crawford) figuraient ensemble, sans se connaître, dans le Daily Mail pour une photo de la « classe 64 » : une cinquantaine de femmes « à suivre », parmi lesquelles Nico et Marianne Faithfull… « Six mois après la photo du Daily Mail, j’ai passé une audition pour la comédie musicale Passion Flower Hotel, mise en musique par John Barry, Gabrielle aussi », racontait Jane. Ecartée, Gabrielle devient alors DJ au Pickwick Club, à Londres, dans le West End, une boîte où le Swinging London est en train de s’inventer. A l’époque de la minijupe, l’« attachement » des deux filles se noue grâce à leurs maris : le compositeur John Barry pour Jane Birkin, l’acteur et chanteur Michael Crawford pour Gabrielle Lewis. Les deux hommes et Jane figurent au générique de Passion Flower Hotel et du film Le Knack… et comment l’avoir, de Richard Lester, Palme d’or à Cannes en 1965.
Il y a une autre photographie, prise le jour du baptême d’une des filles de Gabrielle, Lucy : « J’étais la marraine. Kate hurlait, elle m’avait vomi dessus, John Barry ne me parlait plus, voilà bien une petite affaire anglaise, bien cosy… » John Barry compose les bandes originales des films de James Bond (et plus tard d’autres, comme Danse avec les loups, de Kevin Costner) ; elle tourne Blow Up, d’Antonioni, Palme d’or à Cannes en 1967. Elle a 19 ans, Jeanloup Sieff la photographie pour Harper’s Bazaar. Elle est magnifique.
« Chanson salace »
En 1967 toujours, Serge Gainsbourg traverse le Channel pour enregistrer Comic Strip, chanson inspirée par la BD Barbarella, de Jean-Claude Forest, avec une choriste anglaise. Il entreprend une épopée britannique qui trouvera son apothéose en 1971 avec Histoire de Melody Nelson. Entre-temps, il happe Jane Birkin, en plein Mai 68, sur le tournage de Slogan, de Pierre Grimblat. Elle lui apporte, dit-elle, « le féminin ». Elle, fille aux seins plats et à la silhouette androgyne, offre à un Gainsbourg qui se trouvait laid l’occasion d’être beau en portant des cheveux longs, des mocassins Repetto et des « bijoux de marquise ».
Un an plus tard, l’Angleterre est scandalisée, comme la France et le Vatican, par Je t’aime… moi non plus, soupirante mélopée, duo amoureux inégalé, initialement enregistré par Brigitte Bardot, dont Gainsbourg était tombé amoureux au préalable. « J’ai dû faire de la peine aux Anglais, à mes parents aussi », expliquait Jane, experte en sentimentalité fébrile. La chanson l’a rendue célèbre dans le monde entier, et lui a sans cesse collé aux basques, notamment outre-Manche, où les journalistes les plus sérieux (ceux de la BBC) ne pouvaient, disait-elle, s’empêcher de lui poser des questions « énervantes » : « Quand allez-vous refaire another dirty song, une autre chanson salace ? Je sais que, quand je partirai les pieds devant, ils joueront Je t’aime… moi non plus. »
Birkin chantait, Birkin vivait, elle était aussi comédienne et adorait le cinéma. En 1969, elle est à l’affiche de La Piscine, de Jacques Deray, un huis clos avec Romy Schneider, Alain Delon et Maurice Ronet. Et deviendra une vedette populaire en France, en jouant notamment une « ravissante idiote » aux côtés de Pierre Richard dans La moutarde me monte au nez (1974). Entre-temps, elle fait une pause dans sa carrière en 1971, après la naissance de Charlotte. En 1973, elle est l’amante fascinée et filiforme d’une Brigitte Bardot toute en chair dans Don Juan ou si Don Juan était une femme, de Roger Vadim. En 1975, elle tient un des rôles principaux dans le premier film de Serge en tant que réalisateur, Je t’aime moi non plus – ambiguïté sexuelle et sodomie violente au programme.
Elle voit dans Gainsbourg un Petit Prince effarouché, dandy détaché, personnage de comédie musicale à la Sondheim ou à la Gershwin
Avec Serge, elle hante le Palace, haut lieu du noctambulisme parisien des années 1980. Elle aime Gainsbourg « parce qu’il pouvait écouter Grieg l’après-midi et parler avec Patrick Sébastien à 20 h 30 ». Elle voit en lui un Petit Prince effarouché, dandy détaché, personnage de comédie musicale à la Sondheim ou à la Gershwin, initiateurs d’un cafard bleuté qu’elle adore. Puis vient l’époque « Gainsbarre », déglinguée, et ce n’est pas la sienne. Il boit, il délire, il est destroy, elle non. Elle le quitte en 1980 pour vivre avec le metteur en scène Jacques Doillon, avec qui elle fait un enfant, Lou, née en 1982, avant de tourner avec lui La Pirate, en 1984. Entre-temps, Gainsbourg, qui prépare le Pull Marine d’Adjani, lui offre un album, Baby Alone in Babylone – « Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve »…
L’héritage Gainsbourg
Petite soldate de la mémoire, Jane Birkin a le sens du sacré. Elle a toujours été, artistiquement, la « légataire universelle » de Serge Gainsbourg, décédé le 2 mars 1991. Jane Birkin a enregistré sept albums « made in Serge Gainsbourg », des chansons écrites pour elle ou des reprises de son répertoire à lui, de Jane Birkin & Serge Gainsbourg (1969) à l’ultime et inoubliable Amours des feintes (1990). Elle passe de la Lolita gaie de La Gadoue à la mélancolique Jane B, en passant par l’aimable Di Doo Dah, l’Ex-fan des sixties, ou le personnage plus épais des Dessous chics. Gainsbourg avait toujours envers elle le souci d’un certain « désabusé », disait-elle. En 1987, elle donne même un récital en solitaire au Bataclan. « Serge était là, avec son briquet, et Bambou [sa nouvelle épouse]. J’apprenais qu’on pouvait se faire plaisir. »
Veuve de la guerre ambiguë que Gainsbourg se livrait à lui-même, à la femme ou à la société, Jane Birkin n’envisage pas pendant longtemps l’infidélité artistique. Si des compositeurs la sollicitent, pour sa voix si wispy (de wisp, « mèche de cheveux », « filet de fumée »), elle refuse. En 1994, après une tournée française, elle jure qu’elle va cesser de chanter. Mais alors qui chanterait Gainsbourg ? Seule Zizi Jeanmaire, pour laquelle il avait écrit des chansons, vient de s’y risquer au Zénith, à Paris. Birkin est légaliste. Quand elle pense s’engager « dans Serge » une fois encore, elle veut reprendre « ses » chansons, celles de Baby Alone in Babylone, de Lost Song ou d’Amours des feintes, avec orchestre symphonique. Mais Philippe Lerichomme, le directeur artistique de Jane et Serge depuis les années 1970, l’avertit du danger de se répéter ou de racler les fonds de tiroirs.
Il faut attendre six ans avant qu’elle n’ose. Elle publie, en 1996, Versions Jane, quinze reprises de chansons que Serge Gainsbourg avait écrites pour d’autres qu’elle, orchestrées par des musiciens aussi différents que Les Négresses vertes, Jean-Claude Vannier, Eddy Louiss, Doudou N’diaye Rose, Catherine Michel ou Joachim Kühn. Elle gagne du terrain sur les autres femmes : Catherine Deneuve, à qui elle chaparde Dépression au-dessus d’un jardin ; Françoise Hardy, dépossédée de Comment te dire adieu, avec la complicité d’une fanfare menée par Goran Bregovic ; Isabelle Adjani, frustrée en douceur du Mal intérieur.
Et puisqu’il n’était pas dit qu’elle serait toute sa vie veuve de guerre, elle trahit frontalement, en 1999, avec l’album A la légère, écrit par Miossec, Françoise Hardy, Alain Souchon, MC Solaar… Dans la même veine, ce sera ensuite Rendez-vous (des duos, en 2004), Fictions (2006, avec Beth Gibbons, la voix de Portishead, Neil Hannon de Divine Comedy, etc.), Enfants d’hiver (2008), Oh ! Pardon tu dormais … (2020), qu’elle écrit.
Actrice « crédible »
Elle avait du vague à l’âme, sûrement. Quelques regrets. Celui d’avoir été une actrice tardive, « en 1984 », dit-elle, dans La Pirate, le film de Jacques Doillon, puis dans La Fausse Suivante, mis en scène en 1985 par Patrice Chéreau. Révélée comme actrice « crédible », disait-elle, dans La Fille prodigue, de Doillon, en 1981. « C’était la première fois qu’une personne tournant des films dits “intellectuels” pensait à moi. Jacques Doillon était un réalisateur de films qui n’était pas intéressé à me voir sans mes vêtements. Il m’a dit : “Je vous veux boutonnée jusqu’au cou, je veux savoir ce qui se passe dans votre tête et je veux que vous fassiez une crise de nerfs.” » Elle tourne ensuite avec Jacques Rivette, James Ivory, Alain Resnais ou Jean-Luc Godard. Agnès Varda lui consacre un long-métrage, Jane B. par Agnès V. Birkin a tourné son premier long-métrage de cinéma en tant que réalisatrice en 2007, Boxes, qui réunit Geraldine Chaplin, Natacha Régnier et sa fille Lou Doillon.
Avec son mélange de séduction et d’intelligence, sa facilité à étaler ses sentiments sous des dehors pudiques, elle occupait une place à part dans la cartographie des stars françaises. Chanteuse, elle bénéficiait d’un capital sympathie que le cinéma, mais aussi le théâtre ont fait fructifier.
En 1994, Jane part pour Londres. Le prétexte : honorer la mémoire de Serge Gainsbourg, pour un soir, au Savoy Theatre. Mené avec succès, ce Tribute to Serge rénove l’image, à l’époque très floue, de Gainsbourg outre-Manche. Surtout, il ramène Jane B. vers ses racines. Présent au Tribute to Serge, un agent artistique lui propose alors le rôle d’Andromaque dans The Women of Troy (Les Troyennes, d’Euripide), mis en scène par Annie Castledine au National Theatre.
Birkin est une « femme à la beauté folâtre », écrit quelques mois plus tard le critique Richard Williams, dans The Independent : l’article était intitulé « Return of the Native » (« le retour de la fille du pays »). « Elle a gardé sa beauté (…), ajoute-t-il, personne peut-être ne la reconnaîtra dans les rues de Londres, comme elle l’a souvent remarqué après tant d’années d’exil. Mais en aucun cas elle ne peut passer inaperçue. » En 1999, elle joue Oh ! Pardon tu dormais, mis en scène par Xavier Durringer, sur un texte qu’elle avait écrit en 1992 – dont elle reprend le titre pour son album coécrit avec Etienne Daho en 2020. En 2005 et 2006, elle joue également Sophocle et Shakespeare en France et en Grande-Bretagne.
Birkin, la combattante
Jane Birkin a souvent habillé, déshabillé les œuvres de Serge, « poète majeur », qu’elle interprète depuis 1969. La séparation, la mort, la collaboration avec d’autres n’y ont rien fait : Jane a continué de porter les chansons de son compagnon de vie et d’art, qu’elles aient été créées lorsqu’ils vivaient ensemble ou lorsque la force de leur lien perdurait au-delà des conflits. « C’est un privilège que l’un des plus grands auteurs français ait écrit pour moi de mes 20 ans jusqu’à mes 45 ans. Voilà, ça n’a jamais cessé. C’est une situation étrange. Qu’est-ce que je peux faire pour lui maintenant, alors que tout est trop tard ? Au moins, je peux le porter, l’emmener. Dire ses mots ! », expliquait-elle en 2017, alors qu’elle préparait la sortie d’un Gainsbourg symphonique.
En 1999, elle avait créé en scène Arabesque : elle y passait à la moulinette orientale les chansons de Gainsbourg avec la complicité du violoniste algérien Djamel Benyelles, leader du groupe Djam & Fam. Le spectacle tourne alors dans le monde entier, plus de deux cents dates, trente pays, avant la sortie d’un album en 2002. Birkin en fait un manifeste pour le croisement des cultures et diffuse l’idée d’un Gainsbourg heureusement cosmopolite. C’était Birkin la combattante.
Son site Web a longtemps affiché ses préférences, celle de la lutte d’abord, avec un onglet dédié, intitulé « Mes engagements » : sauver Aung San Suu Kyi, ou la Tchétchénie. Elle était aussi partie à Sarajevo, en 1994, pour offrir des livres, en signe de protestation contre le « nettoyage ethnique opéré par les Serbes ultranationalistes ». Elle y a retrouvé « la fierté, la hauteur, la même que celle dont me parlait Jacqueline, la sœur de Serge : en pleines persécutions nazies, les parents Ginzburg exigeaient qu’elle aille prendre ses leçons de piano, quitte à faire 10 kilomètres à pied ».
En 2002, elle donne Arabesque à Moscou. « C’était très important, car Serge était de famille russe. C’était avant l’assassinat de la journaliste Anna Politkovskaïa, en 2006. J’ai dédié ce spectacle aux Tchétchènes, mais c’était très délicat, parce que les mères de soldats russes qui avaient combattu les Tchétchènes étaient venues me voir dans ma chambre d’hôtel pour me raconter la guerre, les bizutages, etc. » A Sarajevo, il était facile de choisir son camp, concluait-elle, « pas à Moscou ». Et quand elle ne souriait plus, Jane Birkin avait l’œil ébahi et ému, grand ouvert.
Dix ans plus tard, elle conçoit Via Japan, avec des musiciens japonais, puis Birkin/Gainsbourg, le symphonique, vingt-quatre chansons arrangées par le pianiste, compositeur et chef d’orchestre Nobuyuki Nakajima. Une aventure qui commence au Japon en 2011, quelque temps après la catastrophe du tsunami et de la centrale nucléaire de Fukushima. Le Japon avait accueilli Serge et Jane, puis Jane en solo, avec un amour passionnel de la chanson française. Jane part donner deux concerts de soutien dans ce pays meurtri « qui vit sur une faille et le sait. Le peuple japonais vit avec cette étrangeté, courageusement, il a cultivé la beauté de l’éphémère, des plats très jolis, qui disparaissent quand tu les manges, des compositions de fleurs ».
En 2014, affaiblie par une leucémie, elle avait poursuivi une tournée intitulée « Gainsbourg, poète majeur », où elle lisait les textes de Serge, en compagnie de ses amis Michel Piccoli et Hervé Pierre, acteur de la Comédie-Française. Exténuée, portée en scène par un homme de confiance, elle n’avait jamais désarmé, toujours telle qu’en elle-même, et finalement insondable. Une œuvre exploratoire et intime que Jane B. avait poursuivi en 2020, traçant de son timbre fragile la violence du déclin amoureux, exorcisant aussi le drame de la mort de sa fille (Cigarettes, Ces murs épais) et ses graves problèmes de santé (Telle est ma maladie envers toi).
La tournée Oh ! Pardon tu dormais fut empêchée par les confinements et restrictions dus à l’épidémie de Covid-19. Le spectacle fut enfin créé en mai 2021 avec Etienne Daho après une résidence aux Scènes du Golfe de Vannes. Birkin reprit la route en autrice, n’oubliant pas pour autant son rôle d’interprète en reprenant, de-ci, de-là, le spectacle Gainsbourg Symphonique.
Courageuse toujours, présente à jamais malgré de nombreuses annulations de concerts pour cause de santé en zig-zag, d’un assaut microbien ou d’un accident vasculaire cérébral. Jane, entière, sans fard, ne déguisa pas sa mine boursoufflée lors de la cérémonie des Césars du cinéma en février 2023. Elle y était heureuse, en mère indéfectible, venue soutenir sa fille Charlotte, réalisatrice du documentaire Jane par Charlotte, portrait croisé pudique, esquissé à force de petits riens qui font le sel de la vie et les bases de l’amour.
14 décembre 1946 Naissance à Londres 1967 « Blow Up » (film) 1974 « La moutarde me monte au nez » (film) 1983 « Baby Alone in Babylone » (Album) 1985 César de la meilleure actrice pour « La Pirate » 1985 « La Fausse suivante » (théâtre) 1999 « A la légère » (album) 1988 « Jane B. par Agnès V. » (film) 2008 « Enfants d’hiver » 2009 Réenregistre « Les Dessous chics » avec Etienne Daho 2016 Tournée mondiale « Gainsbourg symphonique » 2020 « Oh ! Pardon tu dormais », album coécrit avec Etienne Daho 2023 Mort à Paris, le 16 juillet
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CNews dans le viseur de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale pour l’attribution des fréquences TNT
Stars de la chaîne et dirigeants du groupe Canal+, sa maison mère, ont été auditionnés jeudi au Palais Bourbon.
Aurélien Saintoul, député de La France insoumise, l’avait assuré. L’audition à l’Assemblée nationale des dirigeants et personnalités du groupe Canal+, propriétaire de CNews et C8, « ne sera pas un match de boxe», promettait-il dans le Parisien. Jeudi, la Commission d’enquête sur l’attribution des fréquences de la télévision numérique terrestre qu’il a initié et dont il est le rapporteur, s’est pourtant tenue dans une ambiance très électrique.
Les échanges entre les députés et Maxime Saada, le président du directoire du groupe Canal+ , Gérald-Brice Viret, le DG de Canal+ France, Serge Nedjar, le directeur général de CNews, ainsi que les têtes d’affiche de la chaîne d’info Pascal Praud, Laurence Ferrari ou Sonia Mabrouk ont souvent été à couteaux tirés. Au point que le président de la commission parlementaire, Quentin Bataillon (Renaissance), a dû intervenir, à plusieurs reprises, lorsque les questions insistantes de certains députés – sur la Palestine par exemple -, devenaient hors de propos.
Le contexte est hautement inflammable. L’Arcom vient de remettre en jeu les autorisations de quinze fréquences de la télévision numérique terrestre (TNT), dont celles de CNews et C8, régulièrement sous le feu des critiques. Dernière polémique en date: dimanche, la chaîne d’info de Bolloré a présenté dans une infographie l’avortement comme la «première cause de mortalité dans le monde», suscitant un tollé général. «Une erreur impardonnable» a assumé Serge Nedjar, devant les députés, indiquant qu’une enquête interne était en cours.
«Nous ne sommes pas dupes»
Il y a une dizaine de jours, le Conseil d’État a en outre sommé l’Arcom, le régulateur des médias, de renforcer son contrôle du pluralisme sur CNews, et, par ricochet, sur l’ensemble des radios et chaînes de télévision .«Le média précisément ciblé, c’est CNews», a fustigé Pascal Praud. «Nous ne sommes pas dupes», a insisté de son côté Laurence Ferrari. «Je serais curieux de voir la France, qui serait sans doute la seule démocratie au monde, à commencer à ficher les journalistes, les éditorialistes» selon leur couleur politique, a dénoncé pour sa part Maxime Saada. Toutefois, sur cette question du pluralisme, «si les règles changent, nous nous y conformerons» a-t-il assuré.
La question de la transformation de CNews en chaîne d’opinion a aussi été au cœur des débats. Certains députés estimant que la chaîne avait un parti pris pro-russe ou pro-israélien… D’autres évoquant une censure concernant certains sujets qui irriteraient Vincent Bolloré… «On reproche beaucoup de choses à CNews» a souligné Serge Nedjar avant d’ajouter qu’elle «revendiquait d’être une chaîne de toutes les opinions». Le directeur général de CNews, a également réfuté tout interventionnisme ou «pression» de son actionnaire Vincent Bolloré.
Une partie des députés de la commission d’enquête ont clairement CNews dans le viseur. Maxime Saada n’a pas manqué de pointer que l’audition de plusieurs dirigeants et personnalités de son groupe durant «une journée entière interroge sur l’impartialité» des travaux de la commission d’enquête. Début février, l’une de ses membres, l’écologiste Sophie Taillé-Polian, a lancé une pétition pour dire « non au renouvellement de l’agrément de CNews et C8 ». Ce débat n’est pas nouveau. La précédente ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, avait évoqué la possibilité pour l’Arcom de ne pas reconduire leurs fréquences… «L’enjeu national devrait être prioritairement celui de savoir comment on permet à des acteurs nationaux de rivaliser avec des acteurs qui échappent aux régulations locales, plutôt que de tenter de supprimer des chaînes, chaînes qui contribuent au pluralisme des médias et ont démontré leur intérêt auprès du public», a rappelé Maxime Saada.
Source : Caroline Sallé – Le Figaro – Publié le 29/02/2024
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Dîner-débat : le Club reçoit Pierre-Antoine Capton, Président de Mediawan
Le 15 juin 2023, le Club Averroes a eu le plaisir de recevoir Pierre-Antoine Capton, CEO de Mediawan
Le 15 juin 2023, le Club Averroes a eu le plaisir de recevoir Pierre-Antoine Capton, Président de Mediawan.
Pierre-Antoine Capton est le fondateur de Troisième Œil Productions, premier producteur audiovisuel indépendant en France. Il est aussi le président du directoire de Mediawan, groupe audiovisuel européen, qu’il cofonde en 2015 avec les hommes d’affaires Xavier Niel et Matthieu Pigasse. Pierre-Antoine Capton fait l’acquisition avec ses deux associés, du groupe Maximal Productions qui produit C dans l’air.
Pierre-Antoine Capton pilote le développement hors d’Europe de Mediawan, notamment aux États-Unis. En 2022, il crée une société de production, Blue Morning Pictures, avec Florian Zeller, auteur et réalisateur du film “The Father”. L’association permet au groupe de s’implanter directement aux États-Unis. La même année, Pierre-Antoine Capton réalise l’association de Mediawan avec la société de production indépendante Plan B, créée par Brad Pitt. Le groupe européen devient actionnaire majoritaire de la société, qui détient également des parts dans Mediawan. Selon Pierre-Antoine Capton, cet accord va « construire une alliance créative pour créer de la valeur par le contenu », et doit permettre à Plan B de s’ouvrir au marché européen.
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Grève des acteurs à Hollywood : un mouvement qui risque de paralyser les productions US
Hollywood en grève
La grève des acteurs à Hollywood a officiellement débuté jeudi à minuit à Los Angeles (ce vendredi à 9 heures à Paris). Les acteurs rejoignent ainsi le mouvement des scènaristes, commencé début mai. Inédite, cette grève risque de bloquer toute la production audiovisuelle américaine.
Les acteurs américains sont officiellement entrés en grève vendredi à 00H00 (07H00 GMT), rejoignant ainsi les scénaristes pour un double mouvement social jamais vu depuis 1960 à Hollywood, qui promet de paralyser la production cinématographique et télévisuelle américaine.
“Le conseil national du SAG-AFTRA a voté à l’unanimité un ordre de grève contre les studios et les diffuseurs”, a annoncé jeudi 13 juillet lors d’une conférence de presse Duncan Crabtree-Ireland, le directeur exécutif national de ce syndicat qui représente 160 000 acteurs et autres professionnels du petit et grand écran. Voici quelques clés pour comprendre la portée de cette grève historique.
1. Quelles sont les revendications des acteurs ?
Comme les scénaristes, les acteurs réclament une revalorisation de leurs rémunérations “résiduelles”, qui découlent de chaque rediffusion d’un film ou d’une série et ont dégringolé avec l’avènement du streaming.
Substantiels pour la télévision car calculés en fonction du tarif des publicités, ces émoluments sont bien moindres avec les plateformes de streaming, qui ne communiquent pas leurs chiffres d’audience et paient un forfait, indépendamment du succès.
Eric Edelstein, un acteur qui a joué un petit rôle dans Jurassic World, a récemment illustré cette érosion dramatique auprès du Los Angeles Times. Les revenus tirés de la rediffusion du film sur les chaînes câblées lui ont rapporté 1 400 dollars (1 250 euros) sur un trimestre. Pour la même période, le comédien a touché 40 dollars (35 euros) au titre des rediffusions en streaming.
Les acteurs craignent également d’être remplacés par l’intelligence artificielle (IA). Ils réclament des garanties contre le clonage de leur voix et de leur image sans consentement.
Enfin, ils protestent contre les “auditions auto-enregistrées”, devenues monnaie courante avec la pandémie : les studios réclament aux candidats de se filmer eux-mêmes à distance, ce qui les prive du retour des directeurs de casting.
2 . Meryl Streep, Ben Stiller ou Colin Farrell : pourquoi les stars soutiennent-elles la grève ?
Cette grève, décidée par la SAG-AFTRA, syndicat unique des acteurs, engage ses 160 000 membres, qu’ils soient de simples figurants, des cascadeurs, des seconds rôles occasionnels ou des vedettes.
“Les grandes stars ont des contrats individuels en plus du contrat syndical (…) mais restent néanmoins membres du même syndicat”, rappelle à l’AFP Jonathan Handel, avocat spécialisé dans l’industrie du divertissement. Et qui dit même contrat, dit mêmes obligations.
De nombreuses célébrités, parmi lesquelles Meryl Streep, Ben Stiller ou Colin Farrell, se sont d’ailleurs déjà publiquement prononcées en faveur d’une grève.
Elles vont devenir un porte-voix essentiel, “mais cette grève n’a pas pour but d’apporter plus d’argent à des personnes qui ont déjà des millions”, explique Jonathan Handel. Le mouvement social est crucial pour la multitude d’acteurs, bien moins payés, qui doivent “continuer à mettre de la nourriture sur la table et garder un toit au-dessus de leur tête.”
3. Quel impact la grève aura-t-elle sur la production ?
Hollywood opère déjà au ralenti depuis mai avec la grève des scénaristes et va désormais se retrouver complètement à l’arrêt. Sans comédiens, impossible de tourner, même sur la base de scripts terminés avant le printemps, comme le faisait récemment la série Amazon Les Anneaux de Pouvoir, préquel du Seigneur des Anneaux.
Seuls quelques talk-shows et émissions de télé-réalité vont se poursuivre. De quoi bouleverser les grilles télévisuelles aux Etats-Unis. Sans séries, la chaîne Fox va ainsi proposer essentiellement des programmes de téléréalité comme Cauchemar en cuisine ou Lego Masters cet automne.
Plus la grève durera, plus les retards s’accumuleront. La sortie des futurs blockbusters risque d’en pâtir, car il s’écoule de longs mois entre la fin d’un tournage et la sortie au cinéma.
Le mouvement peut aussi affecter à la marge les productions internationales, selon Jonathan Handel. “Lorsque des acteurs du SAG-AFTRA travaillent sur un film tourné en Europe, en Australie, en Asie ou ailleurs, ils doivent cesser le travail”, explique-t-il.
4. Pourquoi ce mouvement est-il historique ?
Il s’agit de la première grève des acteurs depuis 1980 à Hollywood. Le dernier double mouvement social réunissant comédiens et scénaristes remonte, lui, à 1960. À l’époque, le futur président des Etats-Unis Ronald Reagan menait le syndicat des acteurs et s’était construit une stature politique en obtenant d’importantes concessions des studios.
L’impact économique de cette grève risque d’être faramineux. La dernière grève des scénaristes en 2007-2008 avait duré 100 jours et coûté deux milliards de dollars (1,7 milliard d’euros) au secteur.
Pourtant, de nombreux travailleurs d’Hollywood veulent se battre, car ils estiment que l’industrie traverse une crise existentielle, entre précarisation liée au streaming et menaces technologiques.
“C’est un moment historique”, a insisté jeudi Fran Drescher, l’ex-star de la série Une nounou d’enfer qui préside la SAG-AFTRA. “Si nous ne nous levons pas maintenant, (…) nous risquons tous d’être remplacés par des machines et des grandes entreprises qui se préoccupent plus de Wall Street que de vous et de votre famille.”
5. Jusqu’à quand la grève pourrait-elle durer ?
La grève risque de “durer jusqu’à l’automne”, pronostique l’avocat. Le conflit pourrait même “s’éterniser”, vu les crispations majeures entre acteurs et studios.
De quoi accélérer selon lui la migration du grand public vers les plateformes de streaming comme Netflix, qui proposent dans leurs catalogues quantité de productions internationales ou d’émissions de télé-réalité.
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